lundi 30 septembre 2019


TOUS LES GARÇONS ET LES FILLES EN SON ÂGE

©Catherine Chardonnay


Il paraît que Roald Dahl a dit que savoir captiver les jeunes lecteurs exige d’« avoir préservé deux caractéristiques fondamentales de ses huit ans : la curiosité et l’imagination ». Pour avoir le bonheur de côtoyer quotidiennement un mouflet de cet âge-là, je peux confirmer que ces deux propriétés en font tout le charme. Expériences de physique dans le bain, raisonnements absurdes suivis aussi loin que possible, jeux si prenants qu’ils en deviennent parfaitement sérieux, composition de blagues, examen des hypothèses les plus délirantes, fous-rire, bavardages imaginaires avec les peluches qui ont chacune leur nom à coucher dehors et leur personnalité, longs moments de contemplation rêveuse en cultivant des plantes carnivores, histoires sans fin déclamées jusqu’à s’effondrer de sommeil… Je dois bien admettre que toute cette énergie n’est pas toujours de tout repos et que je mesure souvent à quel point mes huit ans sont loin. Certains auteurs parviennent toutefois merveilleusement à réveiller l’esprit de l’enfance chez leurs lecteurs de tous âges et à bouleverser leur imaginaire. Leurs mots illuminent nos lectures du soir, nous permettant, le temps d’un livre, d’avoir le même âge, de rire sous cape et de vagabonder dans des territoires où tout est possible.
C’est précisément ce plaisir partagé qui a fait tout le charme de la lecture à voix haute de ce Petit Garçon, de Francesco Pittau, qui paraît aujourd’hui dans la magnifique collection Petite Polynie des éditions MeMo. Ce garçonnet nous a entraînés, Hugo et moi, dans un univers malicieux où les idées fusent, la magie se déploie et les choses s’animent. Là bas, chaque jour apporte son lot d’émotions, de surprises et d’expériences fantaisistes qui se dégustent avec bonheur et de nombreux éclats de rire ! Comme ce jour où le garçon a dû traquer son vrai reflet, parti en vadrouille, où lorsqu’il s’était transformé en mouche. Ou encore la fois où il s’est fait réprimander par les motifs de son dessin qu’il avait certes un peu bâclé ! Un monde que nous découvrons à hauteur d’enfant. Un enfant encore petit dans ce vaste monde. Mais qui grandit, mine de rien…
Nous avons beaucoup ri des (més-)aventures du petit garçon qui ont complètement parlé à Hugo qui a souhaité les relire seul. Les illustrations crayonnées de Catherine Chardonnay, un brin loufoques, donnent la touche finale à l’univers enfantin du roman. Certaines ont enchanté Hugo autant qu’elles l’ont laissé perplexe : « Mais comment a-t-elle fait pour réussir aussi bien à dessiner aussi mal ? »
Mille mercis à Chloé Mary et à l’auteur de nous avoir permis de découvrir ce texte débordant de tendresse et de joie de vivre !
L’île aux trésors

©Catherine Chardonnay

Le héros de ce court roman est un petit garçon. Très petit. Trop pour son âge. Si petit que sa maman ne peut s’empêcher de l’appeler de façon horripilante « mon tout petit garçon ». Il a de drôles d’amis ; ce sont ses jouets. Quand le soleil pointe le bout de son nez, il aime être dehors, à regarder l’herbe pousser et discuter avec les fourmis.
Parfois, il lui arrive de drôles d’aventures… Comme ce matin où son reflet dans le miroir a changé. Ne se reconnaissant plus, il se met en quête de son reflet dans toute la maison et dans la ville. Et puis, un autre matin, il se réveille dans la peau d’une mouche…
Un roman adorable aux allures de conte moderne, où l’imagination et la folie douce sont reines. Un petit garçon qui évolue dans un monde façonné par son imagination débridée ; un monde aux couleurs de l’enfance. On ne peut que s’attacher à cet enfant que nous avons tous été, qui fait des voyages incroyables sans jamais quitter sa chambre – à bord de son avion à piles ou de son bateau à voile, où même à l’intérieur de son propre dessin.
Une lecture faite le sourire aux lèvres, ravie par tant de folie, tant d’enfance. Seul petit bémol : j’ai eu du mal à accrocher aux dessins… Ils n’ont pas réussi pour moi à refléter la saveur des mots de Francesco Pittau.
Livres de Folavril


Ce petit livre est un recueil d’une dizaine de textes, très joliment illustrés, autour d’un personnage simplement nommé « le petit garçon ».
Dès les premières pages, on fait connaissance avec le petit garçon et ses parents qui ont bien essayé de le faire manger un peu plus pour qu’il grandisse plus vite mais ont dû renoncer quand il a commencé à devenir rond et que tout le monde s’est mis à l’appeler « la petite boule ».
Ensuite, on découvre ses « amis » qui vivent dans sa chambre : Zork le crocodile, Bouh l'hippopotame, Triny le chien, Touit le perroquet et Pelote le mouton.
Le crocodile rêve de dévorer le mouton mais l’hippopotame et le chien veillent sur lui.
C‘est surtout dans un texte d’une dizaine de pages, Il était une fois dans la forêt, qu’on voit les animaux vivre une véritable aventure, menacés par un monstre qui les poursuit dans la nuit et les enlève un par un. Le ton est celui de la peur (même si Zork essaye de jouer les courageux) mais le lecteur comprend vite à qui appartient cette « Main-Monstre » qui terrorise les animaux…
Le petit garçon, lui aussi, vit des aventures étonnantes comme lorsqu’il ne reconnaît plus son reflet dans le miroir ou qu’il se réveille sous la forme d’une mouche en train de marcher au plafond.
Certaines histoires unissent la poésie et le fantastique comme celle de ce petit bout de tissu noir que le petit garçon trouve un matin dans la salle de bain. « Je suis un bout de nuit resté ici par distraction. Je me suis endormi. Je n'ai pas entendu les autres partir avant le lever du jour. Et quand il a fait clair, je ne pouvais plus partir. J'étais cloué ici en espérant que la lumière du jour n'entre pas dans la salle de bains. À la lumière, je disparais. Heureusement, il n'y a pas de fenêtre. Mais si quelqu'un me ramasse et me jette dehors, je suis fichu. » Le petit garçon cache le petit bout de nuit toute la journée au fond de sa poche pour le protéger de la lumière et le remet à sa place le soir avant d’aller dormir…
Une autre fois, il est confronté à un poussin noir qui a faim et peur ou à une boîte qui contient une boîte qui contient une boîte, sans oublier le jour où il perd une dent et la cherche partout.
Mon préféré, peut-être, est un texte intitulé Le dessin qui concernera plus directement certains enfants et qu’on pourra lire et relire quand on voudra les amuser. « Quand il s'ennuyait, il ouvrait sa boîte de crayons de couleur et dessinait sur une grande feuille de papier blanc ce qu'il aimait dessiner : un bonhomme tout tordu, un palmier, une île, une montagne de déchets au-dessus de laquelle volaient des oiseaux qui ressemblaient à des éléphants, un chien à trois pattes et une maison si biscornue que personne n'aurait pu habiter dedans (sauf le bonhomme tout tordu). La maison avait une cheminée qui fumait tout le temps, même en été. » Voilà un dessin comme on en voit souvent. Seulement, ce jour-là, le petit garçon est plus distrait que d’habitude, moins appliqué, et les personnages dessinés se plaignent. « Le bonhomme tout tordu était encore plus tout tordu que d'habitude, le chien n'avait que deux pattes, les oiseaux ressemblaient à des éléphants ailés, la montagne de déchets montait jusqu’au ciel, l’île était à moitié enfoncée dans l’eau et le palmier penchait comme s’il était malade. » L’apprenti-dessinateur va essayer d’arranger les choses mais le résultat n’est pas très convaincant…
Les dessins, souvent épurés, comme tracés avec des feutres ou des crayons de couleur sur un fond blanc, sont très expressifs et pleins d’humour Cela crée une proximité entre le jeune lecteur et les illustrations. Voilà un petit livre aussi joli qu’intéressant.
Encres vagabondes, Serge Cabrol

©Catherine Chardonnay


A Petit Garçon, Grandes Aventures
Voler comme une mouche, aller sur la lune… Francesco Pittau observe le monde à travers les yeux d’un enfant, et s’imagine de fantastiques péripéties inspirées de son quotidien. A lire dès 8 ans.
On joue à saute-histoire en passant d’un chapitre à l’autre, d’un rêve à l’autre, d’une réalité à l’autre. C’est un recueil de textes qui se font écho, s’emboîtent et s’interpellent, pour construire un ensemble, un monde, un univers d’enfant. Celui d’un tout petit garçon qui joue, qui regarde, s’interroge, s’évade, imagine, divague.
Tout est vu à travers ses yeux, filtré par son imaginaire. Les situations sont souvent banales mais, de ce fait, prennent une dimension singulière. Ainsi quand on lit le chapitre qui s’ouvre par ces mots : « Il était une fois une forêt, la forêt la plus profonde, la plus noire et la plus sinistre que le monde ait jamais connue. » Zork, le crocodile, Bouh, l’hippopotame, Pelote, le mouton, font face à un monstre terrible dont la main gigantesque vient les saisir chacun à leur tour. Jusqu’à ce qu’on découvre, in fine, que cette main-monstre est celle du petit garçon dont la maman regrette qu’il passe son temps à jouer avec ses animaux de plastique sous les couvertures quand le soleil brille dans le jardin.
Voici donc l’histoire aux multiples facettes de ce petit garçon, qui rêve de devenir grand jusqu’à toucher la lune, capable de se transformer en mouche jusqu’à marcher au plafond et de monter dans son avion à piles jusqu’à retrouver sa dent perdue pendant la nuit. Le texte, comme les illustrations, séduisent par leur grâce poétique, et le charme opère sur les petits comme sur les grands.
Télérama, Michel Abescat


C'est à travers 10 petites histoires (d'ailleurs, c'est une précision du titre, que je n'ai pas vue de suite) que Francesco Pittau déroule le fil de l'enfance de ce petit garçon, tel qu'il est désigné par sa maman et son papa.
Le lecteur entre de plain-pied dans cet univers d'imaginaire, de jeux, de peurs, d'émerveillement, de spontanéité toute enfantine.
J'avoue avoir eu du mal à quitter chaque histoire, malgré le fait que certaines soient plus longues. J'y ai vu des allusions à des références connues et revisitées de manière originale. Puis, j'ai pris ce rythme de lecture au fil des évènements du quotidien. J'ai beaucoup souri durant cette lecture tant elle est touchante et belle. Malgré sa petitesse de petit garçon, il s'impose, il trace sa route, il vit sa vie.
La dernière histoire, très métaphorique, constitue le point d'orgue et le lecteur se dit que finalement, il y a comme une progression. C'est que grandir n'est pas une mince affaire !
Et le petit garçon se sentit soudain plus grand.
Les illustrations de Catherine Chardonnay m'ont de prime abord un peu déroutée puis j'ai trouvé, en les regardant mieux, qu'elles correspondaient bien au foisonnement intérieur de ce petit garçon, si vivant, si déterminé, toujours en train d'expérimenter et de découvrir.
C'est un roman qui nous montre combien le pays de l'enfance est riche, sait regarder autour de lui et mettre en œuvre ses propres dialogues intérieurs.
Méli-Mélo de livres


Le petit garçon était petit. Il était même très petit. D’ailleurs, il était si petit que tout le monde l’appelait « le petit garçon ». Parfois il rêvait qu’il devenait si grand que sa tête atteignait la Lune. Onze petites histoires du petit garçon sont ici rassemblées : l’histoire de ses amis Zork, Bouh et Touit, de son reflet disparu, de sa transformation en mouche, d’un bout de nuit oublié, d’une sombre forêt ou encore d’un dessin réellement animé. Un recueil aussi étonnant que tout à fait banal, comme si chaque chose saugrenue ne l’était pas vraiment. Car au fond, quoi de plus normal qu’un doudou qui parle, que la chose la plus importante du jour soit une dent perdue, que les rêves se confondent avec la réalité, quand on est un petit garçon ? Au fil du recueil, nous apprenons à connaître ce garçon, ou plutôt nous nous y reconnaissons. Francesco Pittau fait ressurgir les poèmes sans queue ni tête inventés sous la couette, révèle l’imaginaire enfoui et livre un morceau d’enfance. Les dessins de Catherine Chardonnay, esquissés ou coloriés aux crayons de couleurs, sont d’une douceur infinie. Là encore, on y décèle l’enfance dans tout ce qu’elle a de plus beau, innocente et fantasque sans le savoir. Le petit garçon a les cheveux bleus. Quoi de plus évident quand on a la tête si proche des nuages ?
Bigre Lucie Charrier

Sélection SLPJ Premiers romans, bonnes lectures


"Je suis un bout de nuit resté ici par distraction. Je me suis endormi. Je n'ai pas entendu les autres partir avant le lever du jour. Et quand il a fait clair, je ne pouvais plus partir. J'étais cloué ici en espérant que la lumière du jour n'entre pas dans la salle de bains. À la lumière, je disparais. Heureusement, il n'y a pas de fenêtre. Mais si quelqu'un me ramasse et me jette dehors, je suis fichu."

Le texte joue avec beaucoup d’humour et de poésie des sédimentations culturelles plurielles.
Petit Garçon vit dans son monde imaginaire, en compagnie de Zork le crocodile, Bouh l'hippopotame, Triny le chien, Touit le perroquet et Pelote le mouton. Le lecteur assiste à ses vagabondages.
Qui n’a pas joué enfant à observer la pièce la tête à l’envers? Il suffit de faire le petit pont ou de s'imaginer être une mouche.
Les scènes sont prises dans un continuum de l’enfance. L’auteur inscrit une aire potentielle permettant au Petit Garçon de jouer, non seulement avec les règles de la réalité et ses tristes conventions, mais selon un jeu libre et créatif, celui de l’imaginaire. Il ajuste les motions du monde interne de l’enfance aux exigences des conventions sociales.
Petit Garçon est multiple. Le monde lui doit une infaillible protection mais c'est un contrat impossible à remplir. Il combat des dangers absents et tout s'emballe dans la tête de Petit Garçon. Une force le pousse vers la périphérie de la cour d'école, de sa chambre d'enfant, à la lisière de la forêt. Il semble présent au monde comme on observe de loin les nuées d'oiseaux, en soulignant la force de la solitude, mu par la nécessité de rêver. Il déchiffre la réalité à travers les ambiguïtés des fables et le monde mystérieux des adultes.
La littérature jeunesse, de cette qualité, mobilise ce qui dans le langage poétique fait lien avec la résonance intime. On se souvient de nos dessins maladroits, des histoires inventées et nos velléités de grandir. Petit Garçon nous rappelle la valeur éphémère du rêve où l’âge enfantin a sa propre gloire. Il nous incite à regarder le monde en passant outre la réalité qui nous coupe de lui.
Le trait choisi par Catherine Chardonnay, tantôt doux, tantôt brut, mime parfaitement l’univers ludique de ce Petit Garçon fantasque. L’image dit au-delà du texte auquel elle est subordonnée.
J’ai la chance au quotidien de pouvoir lire aux enfants et cette histoire à grandir debout émerveille beaucoup.
Paolina Miceli


L’imagination est partout. Elle se love dans l’air. L’air que respire le petit garçon du livre, et tous les petits garçons, et toutes les petites filles. Et enveloppe même les grands, mais ça, le petit garçon ne le sait pas encore… Il aspire tant à devenir grand, il se figure tellement de choses… Pourtant, l’imaginaire n’a que faire de la taille, de l’âge. Il est toujours là, tapi, blotti. Et quand il surgit, il bouscule tout. Surtout qu’il arrive souvent à l’improviste! Quand le petit garçon mange, s’endort, joue avec ses amis tout doux – Zork le crocodile, Bouh l’hippopotame, Pelote le mouton, Touit le perroquet, Triny le chien -, lorsqu’il regarde son reflet dans le miroir ou les fourmis sur les brins d’herbe, quand il dessine, quand il s’ennuie. Il débarque les jours de grand soleil ou de pluie chagrine, les jours roses les jours gris, les jours nets les jours flous, les nuits aussi.  Il métamorphose le réel ; tour à tour le rend léger, bizarre, grave, doré, pastel, fuyant, captivant, prenant… il arrondit les angles ou pas, et ne tient jamais en place. Il dépasse sans cesse les limites, s’envole, s’enroule, se glisse, s’immisce dans la vie quotidienne du petit garçon. Et je crois bien qu’ils adorent cela tous les deux!
 Roman de l’imagination, de la fantaisie, de l’invention. Roman de l’enfance avec ses joies ses interrogations ses attentes ses rêves ses couleurs ses caresses ses doutes. Roman tissé d’histoires, d’instants en cadence, de moments en latence… liés merveilleusement sous les crayonnés sauvages et amusants.
Les mots de la fin


Ce petit garçon est petit. Très petit. Trop petit. À tel point que tout le monde l’appelle ‘le petit garçon’. Bien évidemment, ce petit garçon aurait aimé être grand comme ses copains, toucher la lune et plus encore. Il a de drôles d’amis : Zork le crocodile, Bouh l’hippopotame, Triny le chien, Touit le perroquet. Des jouets. Il discute, joue, imagine et rêve. En invente sans cesse pour se construire sa réalité. Un monde sens dessus dessous.
Un conte moderne où l’enfant façonne un monde à son image, inspiré de son quotidien. Où couleur, joyeuseté et insouciance se côtoient. L’histoire de ce petit garçon a plusieurs facettes, il ne reconnaît plus son reflet, veut être grand pour toucher la lune, a perdu sa dent en pleine nuit, se transforme en mouche... Autant de va-et-vient entre réel et imaginaire. Je l’ai lu avec le regard d’une enfant, m’incitant au voyage et à la rêverie. Quel doux plaisir.
Mes écrits d’un jour


Ce livre est donc, comme je l'ai dit, un recueil de petits textes, qui font deux pages, ou à peine plus. Tous mettent en scène un même personnage : le petit garçon du titre et de la couverture. On ne saura rien de plus concret sur sa vie, mais on va plonger au cœur de son imagination. Comme tout petit garçon, tout est prétexte pour lui à dérouler une histoire pleine de magie, à plonger dans un monde parallèle où les animaux parlent, où un bout de nuit peut rester coincé dans la salle de bains, où l'on peut aller sur la Lune régulièrement... Ces petites histoires pleines de douceur font appel à des trésors d'imagination, et elles retransmettent parfaitement l'univers onirique qui est celui des enfants que l'on laisse jouer tranquillement. La plume est à la fois d'une délicatesse adaptée aux jeunes lecteurs, mais dans le même temps, elle ne les prend pas pour des bébés en simplifiant volontairement le vocabulaire. J'aime beaucoup ces auteurs qui n'ont pas peur des mots même si leur public est jeune et ne connaît peut-être pas encore tout ce vocabulaire. 
Les illustrations crayonnées de Catherine Chardonnay accompagnent très bien ces textes, en se faisant tour à tour enfantines et poétiques. Elles ont d'ailleurs cela de commun avec la narration qu'elles savent se rendre universelles, laissant le soin à chacun de trouver sa place dans cette histoire. Ainsi, ce petit livre saura toucher petits et grands. La brièveté des histoires fait qu'on peut sans mal imaginer les raconter à des enfants qui ne savent pas encore lire. Elles sont idéales également pour ceux qui commencent à lire seul. Et elles évoquent chez nous, adultes, des souvenirs d'enfance tout doux. 
Chroniques d’une étudiante en lettres

Une dizaine de textes pour raconter quelques épisodes del’enfance d’un personnage qu’on ne nommera que « Petit Garçon ». Façon d’en dire à la fois l’universalité, et, d’une certaine façon, la taille et l’âge très indéfini ici puisque l’on va du jardin d’enfants à la perte d’une dent de lait. Il est question de choses ordinaires, comme les relations avec les parents, les jouets, les activités comme le dessin, les accidents comme la fièvre.
C’est du ton que ce recueil tire son originalité. Car, si les situations évoquées sont assez fréquentes dans l’enfance, le recueil bascule dans l’imaginaire, le fantastique et le merveilleux de la vision du monde d’un enfant. Petit Garçon se métamorphose en mouche, donne abri à un morceau de nuit qui s’est endormi au lieu de repartir le jour venu, pénètre dans son dessin après avoir discuté avec les personnages bancals qu’il a créés, perd son reflet et part à sa recherche dans un monde étrange, voyage sur la lune. Même ses jouets préférés, ses amis, un crocodile, un hippopotame et un chien vivent des aventures extraordinaires dans une forêt inquiétante qui n’est autre que le lit, terrorisés par une main géante qui s’empare d’eux. Tout est donc jeu, mais le jeu a toujours quelque chose de très sérieux pour les enfants. Il est donc ici question d’identité, d’intégrité corporelle, d’un univers mouvant où tout peut se transformer. On songe en lisant certaines nouvelles à l’univers d’Arnold Lobel pour la façon de dire ce monde de l’enfance, fait de questions existentielles, de naïveté, de poésie et de merveilleux, dans une langue simple et accessible à tous.
Quant aux illustrations, elles semblent faites aux crayons de couleurs, ou aux feutres, et reprennent les codes du dessin enfantin avec humour et expressivité.
Un recueil de textes pour grandir debout, et partager ses sensations d’enfant.
Lit&Je, Michel Driol

©Catherine Chardonnay

jeudi 26 septembre 2019


LE MONDE EST CE QUI A LIEU
©Catherine Chardonnay

SECONDE PARTIE : FORÊT INTÉRIEURE


INTRANQUILISER LE MOT
Le Monde est intranquille par essence, le chaos règne et c'est l'ordre des choses. Les mots font partie des choses. Ils sont donc par essence « intranquilles ». Je me souviens que, petit, je pouvais lire un mot tout simple, « herbe » par exemple, et me demander ce qu'il désignait exactement. Comme si c'était un mystère sans cesse renouvelé. J'avoue que je pense encore de cette façon-là, je ressens les mots de cette façon-là. Mais c'est peut-être dû au fait que les mots sont instables dans leur sens... Nous savons tous qu'utiliser naïvement un mot peut entraîner un texte sur une pente incontrôlable. Et je ne parle pas des sens trompeurs à la manière des journalistes ou des mots dans la conversation courante. « J'ai soif », dit par un enfant de 6 ans et par une adulte de 50, ce n'est pas seulement qu'il désigne un désir différent, mais ce n'est plus le même mot. Il y a autant de mots qu'il y a d'êtres humains dans toutes les situations possibles. Le langage est vertigineux.

©Catherine Chardonnay


Il était une fois une forêt, la forêt la plus profonde, la plus noire et la plus sinistre que le monde ait jamais connue. Personne n’osait la traverser pendant la nuit, et ceux qui voulaient la traverser pendant la journée se tenaient prudemment à sa lisière. On peut donc dire que jamais personne n’avait vraiment traversé cette forêt qui n’avait d’autre nom que La Forêt.
Un jour qu’il faisait beau, Zork se promenait aux abords de La Forêt. Il sifflotait gaiement quand, soudain, il sentit une délicieuse odeur de poisson grillé. Il en eut instantanément l’eau à la bouche. Zork était un crocodile et, comme tous les crocodiles, il raffolait du poisson grillé. Il fit un pas vers La Forêt mais il s’arrêta aussitôt, se rappelant les rumeurs inquiétantes sur le sort des imprudents. On ne les revoyait jamais, tout simplement.

©Catherine Chardonnay


IL ÉTAIT UNE FOIS OU LE RÉCIT DANS LE RÉCIT OU LA FOIS DANS LA FOIS
D'abord, il est juste de rappeler que ce récit m'a été proposé. Mais judicieusement proposé. Pour répondre à cette question, je vais me permettre de copier le texte d'un poème que j'ai publié il y a maintenant plusieurs dans un recueil paru aux éditions du Seuil.
Il était une fois
Il était deux fois
Il était trois fois
Il était quatre fois
Il était cinq fois
Il était dix fois
Il était vingt fois
Il était cent fois
Il était mille fois
Il était dix mille fois
Il était cent mille fois
Il était un million de fois
Il était dix millions de fois
Il était cent millions de fois
Il était un milliard de fois
Il était dix milliards de fois
Il était cent milliards de fois
Il était mille milliards de fois
Il était cent mille milliards de fois
Il était un million de milliards de fois
Il était un milliard de milliards de fois
Il était un milliard
De milliards
De milliards
De milliards de fois
Quelqu'un qui regardait
Le soleil se coucher
Comme si c'était
La première fois.

©Catherine Chardonnay


EN FANTASIA
Je crois que c'est le propre de l'être humain, mais qui est plus apparent chez l'enfant, de  mélanger allègrement réel/imaginaire. On voit des gens très rationnels se mettre à prier, ce qui est quand même le sommet de l'imaginaire. Une parenthèse : en italien, l'imaginaire s'appelle « fantasia »... et je  trouve tellement ce terme plus approprié à cet état particulier où l'esprit est soudain l'objet de la légèreté et de l'envol. Je ferme la parenthèse. Donc, je disais que le réel et l'imaginaire sont les deux cordes qui s'entrecroisent sans cesse dans l'esprit humain, et qu'il est  impossible de faire autrement. On est au travail et soudain, un souvenir affleure, on conduit sa voiture et tout à coup on a l'impression que le décor s'enfuit plutôt qu'on ne le perce, etc. Chez les enfants, c'est encore plus flagrant... la pensée magique est maîtresse du temps et de l'espace. Tout est mouvant, tout obéit à des lois mystérieuses. Quand on devient grand, on appelle cela de la superstition.

Le petit garçon avait toujours un tas de choses à faire et à penser. Soit regarder longuement une ombre sur le mur de sa chambre, soit s’extasier devant une toile tissée délicatement par une araignée encore plus délicate, soit contempler dans le jardin la file interminable des fourmis qui transportaient des bouts de feuille ou un morceau de bois.
Mais parfois, très rarement il est vrai, il lui arrivait de s’ennuyer. Quand il s’ennuyait, il ouvrait sa boîte de crayons de couleur et dessinait sur une grande feuille de papier blanc ce qu’il aimait dessiner : un bonhomme tout tordu, un palmier, une île, une montagne de déchets au-dessus de laquelle volaient des oiseaux qui ressemblaient à des éléphants, un chien à trois pattes et une maison si biscornue que personne n’aurait pu habiter dedans (sauf le bonhomme tout tordu). La maison avait une cheminée qui fumait tout le temps, même en été.
Le petit garçon dessinait toujours les mêmes choses. Et ce jour-là, comme d’habitude, il dessina ce qu’il aimait dessiner.


©Catherine Chardonnay

UNE AUTRE MANIÈRE DE PENSER OU SE RACONTER DES HISTOIRES
Il se fait que je réfléchis mes textes souvent comme ça. Et quand je dis réfléchir c'est vraiment dans le sens où je ne les pense pas. Je les conduis comme un cavalier dans la nuit (Zorroooo !  Zorroooo!) Pardon, une réminiscence. Je pars d'un désir, ça c'est très vrai, sans savoir où ce désir va me mener. Je dis toujours que mon cerveau est plus intelligent que moi, plus habile que moi, et qu'il sait où il va. Alors je le suis. Tout en le regardant faire et en lui suggérant parfois de prendre le sentier à droite ou la ruelle à gauche. On se réapproprie l'imaginaire qui a tendance à se flétrir sous les coups de boutoir du réel (qui n'est que la forme commune d'un imaginaire collectif). Je sens que je m'embarque dans une direction paranoïaque. Mais en même temps, j'ai toujours aimé les livres de Philip K. Dick, Pinocchio et L’Île au trésor (un grand livre rêvé).

©Catherine Chardonnay

− Tu as crié « ouille » ?
Il y eut un silence, puis une voix toute menue répondit :
− Oui, tu m’as fait mal. Très mal. Je risquais de mourir si tu avais réussi à me tirer de derrière l’évier.
− Mais qui es-tu ? Et pourquoi tu risquais de mourir ?
− Je suis un bout de nuit resté ici par distraction. Je me suis endormi. Je n’ai pas entendu les autres partir avant le lever du jour. Et quand il a fait clair, je ne pouvais plus partir. J’étais cloué ici en espérant que la lumière du jour n’entre pas dans la salle de bains. À la lumière, je disparais.

LE BOUT DE TISSU NOIR
Je crois qu'il y a une chose que je peux sinon affirmer, du moins dire : Notre vie ne nous appartient pas beaucoup dans les faits, la liberté que l'on nous vante est une sorte d'illusion lénifiante... Le bout de tissu noir, je suppose que c'est cette part d'opacité qu'il faut absolument préserver. Je ne suis pas pour la transparence. Je suis pour que chacun garde sa petite forêt intérieure intacte. La formule habituelle « jardin secret » semble évoquer un catalogue de petits secrets bénins, moi, je parle des gouffres de l'imaginaire, de cette forêt qui dort chez certains. Je voudrais que chacun en soit conscient, qu'il l'utilise dans la vie quotidienne, celle qui a tendance à nous rendre banals comme une pancarte routière. Parfois, je regarde des images publicitaires, et je me dis : Ces gens qu'on voit sourire, qu'on voit prendre des poses lascives, qu'on voit fermer les yeux à demi comme pour vouloir suggérer je ne sais quels désirs, ces gens ne sont-ils vraiment que cela ? Bien sûr que non. Sauf que c'est exactement ce qu'ils veulent devenir : des silhouettes transparentes. Et c'est dommage.

©Catherine Chardonnay


Première partie : Un Petits Garçons

jeudi 19 septembre 2019


LE MONDE EST CE QUI A LIEU

« J'écris, je dessine depuis toujours. Je suis d'ici et je suis d'ailleurs ; je suis entre deux mondes, je suis entre deux langues,  je suis entre le mot et le trait. Je dois me trouver quelque part dans cet indéfini. » Première partie de la rencontre avec Francesco Pittau autour de l’indéfini cultivé, de la poignée d’eau de la Réalité, de la réunion du réel et de l’imaginaire, pieds au plafond et monde hors de l’image, des identités multiples et insaisissables comme des lapins sauvés de la gueule, et d'une sacrée entrée dans le trou


©Catherine Chardonnay

PREMIÈRE PARTIE : UN PETITS GARÇONS


DANS LA TÊTE DU MEILLEUR NON-PENSEUR DE LA TERRE
L'idée de ce recueil est née à la suite de l'écriture d'une première histoire qui est venue d'un bloc. Je ne devais sans doute ne penser à rien, comme cela m'arrive très souvent. Je suis sans doute le meilleur non-penseur de la Terre. Bref, je ne pensais sans doute à rien, quand j'ai éprouvé la nécessité de me mettre à ma table. J'ai écrit une phrase puis une autre et je me suis retrouvé avec ces boîtes qui devenaient de plus en petites et qui contenaient des objets et des espaces de plus en plus grands. Une fois terminée, j'ai relu l'histoire et, d'emblée, j'ai « vu » des prolongements à cette première histoire. Et ainsi, j'en ai écrit quatre autres... L'idée du recueil est née sans que je la prémédite. Elle s'est imposée. Comme si le Petit Garçon exigeait d'exister.
©Catherine Chardonnay
UNE BOULE LITTÉRAIRE À FACETTES
L'image va paraître bizarre, mais j'aime assez l'idée de la « boule à facettes »... ces boules qu'il y avait dans les boîtes de nuit et qui envoyaient des taches de lumière sur tout le décor. J'ai un peu pensé à ces boules pour composer le recueil. Des facettes qui finissent par former une seule boule. Ou si on veut faire plus chic, les facettes d'un diamant taillé dans un atelier d'Anvers.
J'ai toujours aimé l'idée qu'on puisse tourner autour d'un personnage, pas pour le cerner comme on l'enfermerait avec un trait, mais pour en percevoir les différents éclats. Pour le petit garçon, j'ai procédé (quel vilain mot « procédé » ça donne l'impression de calculer, de prévoir, de contrôler, toutes choses que j'ai ignorées en écrivant), donc j'ai procédé en suivant les pensées, les aventures du personnage placé dans une situation banale souvent mais transformée ou parfois transcendée par l'imaginaire du petit garçon. Je crois beaucoup à l'irréalité... au flou du monde, enfin, quand je dis que je crois, je veux dire que je dois bien la constater cette irréalité. Parfois c'est une irréalité brutale, sauvage (et souvent on l'appelle alors la Réalité) mais quand elle est légère, ductile et fuyante comme une poignée d'eau, on dit que c'est l'irréalité. En fait tout cela relève du fantasme, du mensonge, et le monde n'existe que par les yeux de celui qui le regarde ; et s'il cesse de le regarder, c'est lui qui disparaît. C'est d'ailleurs ce qui arrive. Les pierres, les nuages, les océans nous survivent. Mais je m'égare. Je reviens à la question : la composition en boule à facettes. Finalement c'est cette appellation qui me convient.


Le petit garçon se réveilla et sourit en voyant le soleil entrer par la fenêtre. Ses ailes vibrèrent, alors le petit garçon s’envola. Il comprit qu’il était devenu une mouche pendant la nuit.
Tout d’abord, il alla se poser au plafond. C’était bizarre de se retrouver ainsi la tête à l’envers. Tout était sens dessus dessous. Il n’était pas habitué à marcher au plafond, le petit garçon, alors il dut se poser à l’endroit sur son bureau pour ne pas avoir la nausée.
Quand l’envie de vomir fut passée, il se promena sur ses feuilles, sur ses crayons, et il resta englué sur une tache de couleur pas encore sèche. Il avait les pattes bleues à présent.
Il allait s’envoler de nouveau lorsque maman entra dans la chambre et s’inquiéta : « Où es-tu encore passé, mon petit garçon ? » Le petit garçon essaya de prévenir maman qu’il était là, tout près d’elle, mais de sa bouche ne sortit qu’un « bzzzz-bzzzz ».

©Catherine Chardonnay


DEVENIR CE QUE L’ON VEUT ÊTRE
J'ai la sensation que l'être humain ne verbalise jamais que la partie acceptable de son existence. Celle qui rassure sur le réel ou du moins sur l'image du réel communément acceptée. L'esprit des enfants est sans doute de ce point de vue encore plus intéressant, plus instable que celui des adultes, moins ossifié. On devient facilement ce que l'on veut être, ce que l'on croit être, ce que l'on voudrait être. Un enfant peut parler à un caillou sans éprouver de gêne et sans être ridicule ou risible. « Le monde est tout ce qui a lieu. » Cette phrase de Wittgenstein me poursuit. Le monde est ce qui a lieu, pas ce qui est... ce qui a lieu. La séparation entre réel et imaginaire est battue en brèche. L'étrangeté du monde, c'est ça : la séparation que l'on opère entre réel et imaginaire. L'existence c'est la réunion des deux dans un même espace. Et l'enfance est le temps le plus propice à cette fusion. Plus tard, on dira de tel ou tel qu'il est « fou », ou qu'il n'a plus le sens commun. Et commun étant ici la clé de l'enfermement dans un espace confiné.
L'existence enfantine, cette justesse, je l'ai fantasmée mais à partir de moi, de ce qu'étaient mes pensées quand, enfant, les jours de pluie, je regardais par la fenêtre la vie extérieure se poursuivre, et quand une personne disparaissait derrière l'angle d'une rue, je me disais qu'il continuait sa route, et j'essayais d'imaginer ce qui allait lui arriver. Pas des choses forcément  extraordinaires : je les imaginais marchant, entrant dans une maison, etc. Pareil que lorsque je regardais un film et que je me disais : « Hors de l'image, par-delà le décor, si on pouvait entrer sur la pellicule, il suffirait de pousser la porte, de traverser une pièce poussiéreuse, et on se retrouverait dans le Paris de 1938... avec des tas de gens... » Un  film ne contient pas que des acteurs, que des décors, il contient le monde entier en fait. Je réfléchissais beaucoup de cette façon quand j'avais huit ans. Ça ne m'a pas vraiment quitté. Après, il faut mettre en forme pour que ça soit acceptable.

©Catherine Chardonnay

Le petit garçon était petit. Il était même très petit. D’ailleurs, il était si petit que tout le monde l’appelait « le petit garçon ». Papa aussi l’appelait comme ça : « Tu viens, petit garçon ? Nous allons faire une petite promenade. » Sa maman l’appelait même « mon tout petit garçon ». Et parfois elle racontait qu’à sa naissance le petit garçon était encore plus petit qu’aujourd’hui. « On aurait pu le glisser dans une poche de son manteau tellement il était petit. Un jour, j’ai cru que je l’avais perdu alors qu’il était entre deux plis du drap. Quelle terreur j’ai eue ! »

©Catherine Chardonnay

PETIT GARÇON
Cette dénomination m'est venue spontanément... je n'y ai réfléchi qu'après avoir écrit la première histoire. J'ai posé la plume (en fait, je me suis éloigné du clavier de mon ordinateur) et je me suis dit : « Il serait bon que le personnage ait un prénom. »  J'ai cherché durant deux secondes. Je me suis vite rendu compte qu'il était inutile de chercher. Le prénom, je l'avais. Je tenais mon personnage, c'était le petit garçon. C'est un petit garçon qui est tous les petits garçons, mais aussi toutes les petites filles, il est tout enfant qui ouvre les yeux sur le Monde, qui avance à tâtons, qui résout les problèmes par l'échappatoire de l'imaginaire,  de la fantaisie, de l'absurde, de la rêverie, toutes ces portes de sortie qu'on emprunte quand une des facettes de la réalité est soit pénible, soit ennuyeuse, soit inintéressante.
« Le petit garçon, c'est moi ! » comme dirait mon voisin qui élève des lapins pour ne pas les manger mais seulement parce qu'il aime bien voir les lapins gambader dans un carré de pelouse. C'est vrai qu'il est moi, le petit garçon, en tout cas, c'est comme ça que je le perçois et c'est comme ça qu'il se montre. Ses histoires sont les miennes, et inversement.

Comme cadeau d’anniversaire, le petit garçon reçut un paquet de la taille d’une boîte d’allumettes, emballé dans un joli papier mauve argenté. Dans la petite boîte, il trouva une deuxième boîte qui avait les dimensions d’une boîte à savon ;  il ouvrit la deuxième boîte qui contenait une autre boîte capable de contenir une machine à laver le linge ; dans la troisième boîte, il vit une quatrième boîte de la taille d’une voiture, mais cette quatrième boîte, une fois ouverte, révéla une cinquième boîte grande comme une maison et dedans il y avait une sixième boîte aussi haute qu’un immeuble de treize étages ; il ouvrit la sixième boîte et d’abord il ne vit rien, sinon un vide immense et sombre. Il entra dans la boîte, à petits pas prudents.


UNE BOITE DANS LA BOÎTE DANS LA BOÎTE
On en revient à la boule à facettes. Je crois que nous ne sommes que fragments. Nous avons en nous beaucoup plus d'oublis que de souvenirs, si bien que tout portrait ne peut être que fragmentaire. C'est entre ces fragments, c'est dans ces espaces que naissent les narrations. Il est bien possible qu'un trou ou qu'un oubli soit plus révélateur qu'un souvenir. Le gant se retourne, c'est le même gant et pourtant il est différent.
Je crois que l'on a tous vécu cet instant curieux où en essayant de se rappeler un fait, on finit par dire : « Zut, j'ai un trou ! »  Et quand on fouille ce trou, on finit par en tirer un petit souvenir, puis un souvenir un peu plus grand qui s'enchaîne au précédent, puis encore un souvenir encore plus grand, et ainsi de suite. Le petit trou contenait des choses plus grandes que lui. L'emboîtement perpétuel. Je ne connais  pas de limites à la fouille.

©Catherine Chardonnay

Seconde partie : Forêt intérieure

mardi 10 septembre 2019

POLYNIE DANS LES NUAGES

Au sujet des Polynies, les belles mains et les questions littéraires du groupe de lecteurs La tête dans les nuages (collège Henri Laugier, Forcalquier) : Alienor B. Amandine B., Amandine D., Clémence M., Evan C., Félicia G., Garance M., Jasmine C., Louison D., Philomène L., Sidonie L., de leur enseignante Laetitia Croce et d’Aurélie de la librairie La Carline. Des pas de côté, sur des semaines, vers l’imaginaire des histoires et des styles, le souffle maintenu de l’espoir, par le plus ou moins la nuance dans la vie, des romans lus « comme s’ils étaient dans les bibliothèques depuis longtemps », infatigable la flamme, des trous partagés dans la glace et des territoires devenus mémoire.