mardi 2 janvier 2018

RENCONTRE DANS LA FORET
Audren, La petite épopée des pions




A l’origine des sasha
Lorsque j’étais enfant, dans le chalet ou je passais mes vacances, je jouais souvent avec un coffret en bois exotique, abritant des pions. A chaque fois que je l’ouvrais, j’en sortais rapidement tous les pions. Je ne voulais pas les faire attendre plus longtemps. J’étais persuadée que j’étais en train de leur offrir un moment de liberté. Je les observais, j’attendais qu’ils s’échappent, qu’ils partent en courant, qu’ils vivent enfin leur vie… Mais rien de tout cela ne se produisait. Leur sagesse m’inquiétait un peu. Ces pions ont toujours été très vivants dans ma tête. J’éprouvais toujours de la peine à les ranger et les renfermer dans le noir.
Mes Sasha-pions, eux, devaient trouver eux même cette liberté que j’avais tenté de leur offrir étant enfant, et vivre pour de bon. En ce qui concerne le prénom Sasha, j’ai tout d’abord cherché un prénom commun pour tous les pions. Un prénom mixte (ni homme ni femme chez les pions ; la neutralité s’imposait) et international (l’histoire pouvait se passer n’importe où). Mais je savais que mon héros devait porter un surnom qui inclurait le mot halluciné. J’ai donc trouvé dans ma liste mixte et internationale, un prénom se terminant par HA afin de pouvoir fabriquer le surnom du héros « Sashalluciné ».
Comme dans mon enfance, je personnifie encore souvent les objets, les végétaux et m’adresse parfois à eux. J’aime aussi les dessins animés dans lesquels on rencontre des théières, des voitures, des éponges ou des fleurs qui parlent. Je cherche partout des signes d’humanité… quand je n’en trouve pas assez chez les êtres humains, j’en invente ailleurs.
Illustration de Cédric Philippe


Le (petit) trot des chevaux
Selon le dictionnaire, une épopée est un  « long récit poétique d’aventures héroïques où intervient le merveilleux ». Mon récit était court mais il me semblait, qu’en dehors de sa taille, il répondait parfaitement à la définition de l’épopée. J’ai donc simplement ajouté « petite » à mon titre afin qu’il soit tout à fait en accord avec mon histoire. Même si cela n’a rien à voir avec le texte, l’allitération en p m’évoque à la fois le trot des chevaux tirant une voiture sur une rue pavée et pluvieuse… et les gestes précis et extrêmement rapides des écureuils ou des petits rongeurs dans leurs occupations quotidiennes. On retrouve tout de même dans mes associations, l’idée de voyage, de déplacement, de vie accélérée. J’aime aussi la musicalité de ces quelques mots, semblable à celle d’une comptine. Je voulais que la douceur de l’enfance transparaisse malgré tout dans ce titre annonçant d’une manière très classique des exploits légendaires. Si je devais qualifier ce texte, je dirais qu’il est un vade-mecum (dans son sens non-dentifricial)
Illustration de Cédric Philippe
De l’insurrection
Ce ne sont pas les périodes obscures qui me poussent à écrire l’insurrection mais les gens ternes qui s’enlisent, sans réagir, dans ces périodes obscures et les rendent alors encore plus sombres. Ces personnes-là, on les retrouve à toutes les époques. L’uniformisation, la renonciation, l’acceptation sans réflexion préalable me désolent. Peu d’artistes présentent, par exemple, des défauts sur la tranche, au contraire de Sashalluciné.
La musique qui accompagne ma réponse : « Think ! »  d’Aretha Franklin
«… People walking around everyday, playing games, taking scores
Trying to make other people lose their minds
Well be careful, you’re gonna lose yours … »
Il faut lutter, s’accrocher. Contrôler son existence, la façonner, faire ses propres choix, avancer, contourner les obstacles, être curieux, apprendre… apprendre beaucoup, s’améliorer, contempler, aimer...

Lire également Dans le ventre de la baleine, Nouvelles de Polynies

La petite épopée des pions, Audren, illustrations de Cédric Philippe, Petite Polynie.
En librairie le 18 janvier