TRUFFE ET MACHIN
Deuxième partie : Imaginer des choses qui n'existent pas
CHERCHER L’ENNUI…
Émile :
Je trouve qu’il est important qu’un enfant soit confronté à l’ennui. Et surtout
qu’on le laisse se confronter à l’ennui. C’est une manière pour lui d’aller
chercher du potentiel et de faire fonctionner son imagination. S’ennuyer, c’est
aussi prendre le temps de regarder autour de soi et se poser en spectateur du
monde. Ça fait partie de l’apprentissage pour moi. Autant que d’apprendre à
s’intégrer aux autres. Enfant, je m’ennuyais rarement. J’habitais à la
campagne, avec une belle bande d’amis, avec qui il y avait toujours des choses
(pour ne pas dire des bêtises) à faire. Je dirais que l’ennui est arrivé après,
mais qu’il n’a jamais été un problème pour moi. J’aime bien m’allonger et faire
semblant de ne rien faire. Divaguer. Penser à des choses qui n’existent pas…
Camille : Oui je crois que tous les
enfants connaissent des moments d’ennuis. Maintenant que je suis adulte, je me
dis que j’aimerais bien avoir le temps de m’ennuyer un peu… Je crois que
l’ennui nourrit l’imagination. Tous ces moments où en classe j’ai pu m’évader
dans l’imaginaire… L’ennui, ça force à s’évader !
… CREER DES BETISES
Émile :
J’ai toujours été fasciné par les bêtises et je m’y suis beaucoup adonné. Ce ne
sont que des bons souvenirs, même si quelques fois, j’ai bien dû dépasser les
bornes… C’est un peu une histoire d’adrénaline tout ça… et de transgression
bien sûr… En fait, c’est un super cocktail, mais il ne faut pas le répéter aux
enfants.
Camille: Je ne faisais pas trop de bêtises.
J’étais assez raisonnable. En même temps, mes parents me laissaient pas mal de
liberté, j’imagine donc que je ressentais moins le besoin de braver les
interdits… Dans tous les cas, j’ai toujours été un peu stressée alors je ne
faisais rien de dangereux…
Illustration de Camille Jourdy |
Le
réel ne suffit pas
Emile :
Le réel ne suffit jamais, je pense. On associe tout le temps ce qu’on vit dans
la réalité avec une dose de fantasmes et de projection. On pense à des choses
qui n’auront jamais lieu ou qui ne pourrait même pas avoir lieu. On s’invente
des histoires, on s’imagine en quelqu’un d’autre… Pour Truffe et Machin, c’est
pareil. Ils s’autorisent juste à avoir une perception du monde différente et
ils en jouent. C’est peut-être là leur rapport à la poésie… la combinaison du
réel et de leur imagination fertile. Cela leur permet d'appréhender les choses
d'une manière singulière. Et cette façon qu’ils ont d’aller sonder l’inconnu
peut effectivement leur amener tout un lot de bricoles... Ils s'amusent à se
faire peur, quitte à être dépassés par les événements. Mais, en général, ils s’en sortent bien. Ils
savent solutionner les problèmes qu'ils se sont créés.
APPARITION DE L'IMAGINATION
Emile :
Ces trois histoires parlent de la recherche de quelque chose. Mais ce n’était
pas un but en soi. L’important était de faire vivre l’aventure à Truffe et
Machin, plus que d’organiser quelque chose de bien précis autour de
l’apparition/disparition. Mon désir n’était pas forcément de faire résoudre une
énigme aux lapins, mais plutôt de les faire se confronter à leur imagination.
Il n’a jamais été question qu’ils trouvent exactement ce qu’ils cherchent.
L’idée de décalage me plaît et je ne pense pas que pour le coup, ce soit trop
écarté de la réalité. On vit rarement les situations comme on les avait
imaginées. Ici, c’est la même chose. C’est le chemin parcouru qu'il m’a
semblé intéressant de traiter.
Illustration de Camille Jourdy |
UNE ECRITURE BIEN EMBERLIFICOTEE DU RICOCHET
Emile :Une
de mes principales envies en écrivant Truffe et Machin était de leur fabriquer
un univers bien marqué. Le fait de construire des ponts entre les histoires
sert à cela, en partie. J’espère que créer ce genre de liens permet d’avoir
plus facilement une vision d’ensemble de leur monde. Et l’idée qu’une histoire
puisse avoir un écho dans la suivante, amène (j’espère) une dose de richesse à
la lecture. Je ne voulais pas écrire des histoires linéaires qui n’auraient pas
de rapport entre elles. Il fallait que tout ça s’emberlificote pour qu’on
rentre pleinement dans l’univers des lapins.
LE JEU DU DIRE
Emile :
Je prends beaucoup de plaisir à faire dialoguer les personnages. Je les fais
jouer. C’est une histoire de rythme, de musique et de réparties fines. Il faut
que j’arrive à me faire rire à chaque tirade. C’est la part la plus
intéressante du travail et j’essaie de faire pour que le côté narratif n’en
pâtisse pas trop. Je prends du plaisir aussi pour la description mais cela me
demande plus d’efforts alors qu’écrire des dialogues se rapproche nettement
plus du jeu, pour moi. Je ne suis pourtant pas un modèle de communiquant dans
la vraie vie… Voilà peut-être une manière de compenser.
Au
niveau du style, je suis conscient que la langue employée par Truffe et Machin
est particulière. Mais j’ai l’impression qu’écrire pour la jeunesse peut vite
devenir contraignant si l’on se fixe des barrières de ciblage d’âge, etc… C’est
le meilleur moyen pour produire quelque chose de lisse et de convenu à mon
sens. J’ose espérer que ma façon de faire déroge un peu à la règle et que mon
langage trouvera son public…
L’INTELLIGENCE DE L’INCONFORT
Emile :
Je suis actuellement bibliothécaire et ce, depuis 5 ans environ. Avant ça j’ai
été potier, aide-éducateur dans un foyer pour handicapés mentaux, salarié
agricole et caviste dans une coopérative fromagère. J’ai essayé plusieurs
métiers très éclectiques, et j’espère que j’en découvrirai d’autres… J’aime
bien l’idée de ne pas se fixer professionnellement, même si ça apporte son lot
d’incertitude.
Côté écriture, cela fait quelques années que je m’y essaie, de manière plus ou moins intensive. Comme je travaille en parallèle, il faut arriver à trouver le temps. Mais je dirais que l’envie est de plus en plus présente. J’ai écrit deux petits textes pour la revue Biscoto, qui ont été mes premières publications. C’est une super revue dirigée par Julie Staebler et anciennement Suzanne Arhex. Je le dis parce que la revue a décroché un fauve à Angoulême en février dernier, ce qui est une grande consécration… J’ai écrit quelques trucs qui dorment dans un placard et que je n’ai pas forcément envie de réveiller d’ailleurs. C’était nécessaire qu’ils existent, car ils participent de toute manière au processus de création. Mais ils n’ont pas d’intérêt à vivre autrement qu’enfermés dans un tiroir. Il y a des travaux auxquels j’attache beaucoup plus d’importance. Notamment deux pièces de théâtre officiellement terminées, mais que j’aimerais retravailler un peu. A part Beckett et Ionesco, le théâtre m’est complètement étranger. C’est mon attrait pour les dialogues qui m’a amené là. C’est le genre qui correspond le plus, je pense, à mes désirs d’écriture. Voilà où j’en suis.
Côté écriture, cela fait quelques années que je m’y essaie, de manière plus ou moins intensive. Comme je travaille en parallèle, il faut arriver à trouver le temps. Mais je dirais que l’envie est de plus en plus présente. J’ai écrit deux petits textes pour la revue Biscoto, qui ont été mes premières publications. C’est une super revue dirigée par Julie Staebler et anciennement Suzanne Arhex. Je le dis parce que la revue a décroché un fauve à Angoulême en février dernier, ce qui est une grande consécration… J’ai écrit quelques trucs qui dorment dans un placard et que je n’ai pas forcément envie de réveiller d’ailleurs. C’était nécessaire qu’ils existent, car ils participent de toute manière au processus de création. Mais ils n’ont pas d’intérêt à vivre autrement qu’enfermés dans un tiroir. Il y a des travaux auxquels j’attache beaucoup plus d’importance. Notamment deux pièces de théâtre officiellement terminées, mais que j’aimerais retravailler un peu. A part Beckett et Ionesco, le théâtre m’est complètement étranger. C’est mon attrait pour les dialogues qui m’a amené là. C’est le genre qui correspond le plus, je pense, à mes désirs d’écriture. Voilà où j’en suis.
Illustration de Camille Jourdy |